3 octobre 2014
Lointain intérieur
À l’occasion de l’exposition des œuvres picturales d’Henri Michaux en février 2015 au sein de la Fondation Jan Michalski ; la bibliothèque vous proposera au cours des prochains mois une série d’articles sur le poète belge. Dans la mesure du possible, nous essaierons de relier ses œuvres écrites, picturales à des œuvres contemporaines. Ceci dans l’idée de mettre en avant des artistes, écrivains qui prennent appui de l’œuvre d’Henri Michaux pour s’en inspirer ou pour créer.
© Oswaldo Guayasamin, Quito Verde
C’est bien dans le port des partances, Marseille, dans l’attente du navire qui embarque les inquiets vers les lointains, que commence véritablement l’histoire d’Ecuador : Journal de voyage. Sans une raison vraiment claire, Henri Michaux quitte son travail parisien aux Editions du Sagittaire et part s’y installer en mai 1927 pour de longs mois. Il est le jeune auteur – au talent salué par les critiques – d’un unique recueil de poésie publié en août 1927 Qui je fus aux prestigieuses éditions NRF. Marseille donc, le grand port du Sud, l’exact opposé du Nord qu’Henri Michaux déteste de tout son cœur. Les mois qui passent sont une sorte de « chapitre troué » dans l’existence du jeune belge. C’est là, dans une chambre d’hôtel, qu’il commence vraiment à peindre et à dessiner. On peut imaginer une amante comme le fait le biographe Jean-Pierre Martin. Ou tout simplement l’endroit idéal pour attendre la proposition d’un voyage qui tarde à venir.
En effet, Michaux a rencontré en 1926 Alfredo Gangotena. Ce jeune équatorien, brillant poète, issu d’une richissime famille, a débarqué en 1920 dans la ville lumière avec sa mère, ses frères, ses sœurs afin d’y terminer ses études de géologie à l’Ecole des Mines. Ce sont dans les salons littéraires de Jules Supervielle, uruguayen d’origine que Michaux fait la connaissance de ce garçon timide et d’une santé fragile due à l’hémophilie. Lui-même écrira que son « corps est occupé à mourir ». Sa sensibilité à fleur de peau et sa gaucherie renvoient à Michaux la sienne propre et ils deviennent amis. Ils évoquent ensemble un voyage en Equateur dès qu’Alfredo Gangotena aura fini ses études parisiennes. Un « je t’emmènerai » suffit à l’auteur de Qui je fus pour se voir au milieu de la jungle amazonienne, de la terre pelée de la sierra ou entouré de fumigènes volcans toujours sur le point d’exploser. La cité phocéenne sera donc l’antichambre du grand départ.
Cependant l’Amérique du Sud n’est pas un continent inconnu pour Henri Michaux. Il y avait du Rimbaud dans les prémices des vingt ans du jeune Michaux, la même haine du surplace, la même inquiétude, le même désir de fuir l’ambiance oppressante d’une famille bourgeoise, il décida à 21 ans de prendre le large dans tous les sens du terme. Il s’installa à Dunkerque, le port le plus proche de la Belgique et essaiera par tous les moyens de s’embarquer sur un navire marchand. Il réussira, après de longs mois d’attente dans des hôtels miteux, à se faire embaucher sur Le Victorieux qui a pour destination l’Argentine puis le Brésil. Fidèle à effacer toute trace de son passé, il n’existe aucun document permettant d’étayer sur son expérience de matelot.
Je croyais peut-être confusément justifier mon existence en naviguant au long cours ou en faisant le Napo (c’est un affluent de l’Amazone) en pirogue, en escaladant montagnes et volcans dans la cordillère des Andes ? Je me brutalisais. Je me faisais marcher, mais mon corps répondait mal aux aventures.
Et définitivement, les élans aventureux de Michaux ne seront que des attaques contre son corps fragile. Cette terre d’Equateur lui paraît parfaite pour cela, dangereuse « pour le cœur, pour la respiration, pour l’estomac », ou autrement dit de l’altitude pour son asthme, des bêtes sauvages pour mordre sa peau et surtout de l’ennui pour son âme. Pour Michaux, tout procède de l’expérience, non de l’écriture. Et qu’est-ce qui sublime le mieux l’expérience si ce n’est le voyage ?
Le départ des Gangotena est enfin annoncé, Michaux fait son passeport à Marseille au Consulat de Belgique le 11 juillet 1927. Les mois passent sans qu’une date soit fixée « une sorte de constipation », lui qui avait besoin de fulgurance, de vitesse, le voilà mis à l’heure sud-américaine. Il rejoint en train le grand port du Nord – mauvais présage – Amsterdam, glacé à la fin de l’année 1927 en compagnie de la famille Gangotena, d’autres invités et d’une myriade de serviteurs. Ils embarquent sur le Boskoop, un navire qui bat le pavillon hollandais pour quatre semaines de traversée. Michaux a promis à Jean Paulhan, le directeur de la NRF, d’écrire un journal de voyage et de lui envoyer au fur et à mesure de son périple. Prenant toujours à rebours ce que l’on attend de lui, il s’évertue à détruire toute tentative de forme pour son futur récit.
Un homme qui ne sait ni voyager ni tenir un journal a composé ce journal de voyage. Mais, au moment de signer, tout à coup pris de peur, il se jette la première pierre. Voilà. L’auteur.
Et mine de rien, Michaux par ces phrases de non-voyage enterre tout un pan de la littérature du passé et notamment les auteurs du XIXème siècle. Feu le voyage d’aventures « Mais où est-il donc, ce voyage ? (…) Et ce voyage, mais où est-il ce voyage », il coule les boutres exotiques de Monfried « Dire que peut-être vingt-cinq millions de poissons nous ont vu passer Boskoop, ont vu ta quille stupide », et supprime l’orientalisme bon teint
Indien, Indien, vous voulez me stupéfier avec ça. Un Indien, vous voulez me stupéfier avec ça. Un Indien, un homme, quoi !
L’ennui prend enfin délibérément sa part dans le récit. Un ennui que l’on peut rapprocher du Rimbaud d’Aden ou de l’Harrar (le voyage à ce moment là n’existe déjà plus pour Rimbaud). La lecture de la correspondance de Rimbaud que Michaux lit pendant la traversée le pousse vers ces rivages. Sauf que Rimbaud ne veut plus rien, ne souhaite plus rien; il n’est dans l’ailleurs que pour le commerce et uniquement pour ça. Rien de tel chez Michaux. Ce dernier veut du dépaysement, de l’exceptionnel et cette attente va se retourner contre lui, il recevra en pleine figure son contraire : le quotidien.
Vous réclamez du tigre, du puma, mais on ne vous donne que du quotidien.
Cette traversée se passe donc dans l’ennui, dans l’ « anticalendrier de la mer », l’impression d’être depuis des siècles sur cette masse liquide sans fin. Ni maintenant ni dans la suite de son voyage, il ne parlera d’Alfredo – Ecuador lui est tout de même dédicacé -. Que penser de cette absence ? Peut-être y voit-il La métamorphose – livre qu’il lira pendant son séjour à Quito – de son ami face à l’approche de sa terre natale, Quito, où il devra rentrer dans le giron paternel, lâcher sa relative bohème parisienne pour toutes les contraintes sociales inhérentes à sa puissante famille. Le problème est certes banal, mais il pèsera durement dans les propos de Michaux.
Je l’ai vu regarder des amis de sa famille, ces éternels bavards équatoriens comme on regarde des pierres, un regard froid et rigide cent pour cent, raclé de toute expérience vivifiante, regard effrayant et comme mortel.
On ne lui pardonnera jamais.
Après trois semaines de mer, le boskoop atteint sa première escale, Curaçao, ensuite c’est le passage du canal du Panama, le 22 janvier et puis plus rien dans son journal jusqu’au 28 janvier, date de l’explosion verbale sur Quito. Les journaux de l’époque, eux, ne laissent pas filer les jours comme le belge errant. El Telegrafo dans sa rubrique sociale fait feu de tout bois, les nouveaux habitants du grand port équatorien Guayaquil, leurs nouvelles adresses, les malades aussi, leurs maux et les médecins qui s’en chargent, les déjeuners d’affaire avec le nom de tous les convives et enfin les arrivées sur le Guayas. Michaux est estampillé dès son arrivée, Alfredo aussi. On annonce leur départ pour le lendemain avec le ferrocarril andin. Lui, qui rêve de voyages incognito avec l’impressionnante équipée qui l’entoure, doit ronger son frein. Une semaine passe sans que rien n’apparaisse dans son journal. Il s’installe dans la maison familiale des Gangotena dans le centre de Quito. Dans ses lettres, il se sent prisonnier de tout et surtout de la famille d’Alfredo, trop envahissante. Et le 28 janvier, les premières phrases sur l’Equateur dans Ecuador sont telluriques, pleines de bile ou de lave.
ARRIVÉE À QUITO (extraits)
Je te salue quand même, pays maudit d’Equateur.Mais tu es bien sauvage,Région de Huygra, noire, noire, noire,Province du Chimborazo, haute, haute, haute,Les habitants des hauts plateaux, nombreux, sévères, étranges.« Là-bas, voyez, Quito. »Pourquoi me frappes-tu si fort, ô mon cœur ? (…)
LA CORDILLERA DE LOS ANDES (extraits)
La première impression est terrible et proche du désespoir. L’horizon d’abord disparaît. (…)
Ne soyons pas tellement anxieux. C’est le mal de montagne que nous sentons, L’affaire de quelques jours. Le sol est « noir » et sans accueil.
(…)
Michaux n’est pas dupe : « Ces réflexions, je le sais, suffiront à me faire mépriser comme un esprit de quatrième dimension ». Il passe les mois qui suivent à lire « Je ne suis plus à Quito, je suis dans la lecture » à s’essayer au théâtre et à la musique – sans grande conviction. Des virées à cheval où il se contente de compter les heures qu’il passe sur la selle, à la ferme de Guadelupe, dans l’hacienda que les Gangotena possède à Puembo dans une vallée proche de Quito « Mais Quito ! L’étouffement même. », Machachi, San Pablo et des ascensions : l’Atacatzo et le Corazon, « Ah ! Ah ! Cratère ? Ah ! / On s’attendait à un peu plus de sérieux… »
Puis arrive le 25 avril, Michaux compose l’un de ses plus beaux poèmes, une sorte d’hymne à l’expérience du vide, « ce vide, voilà ma réponse. »
JE SUIS NÉ TROUÉ (extraits)
Il souffle un vent terrible.Ce n’est qu’un petit trou dans ma poitrine,Mais il y souffle un vent terrible.Petit village de Quito, tu n’es pas pour moi. J’ai besoin de haine, et d’envie, c’est ma santé.Une grande ville qu’il me faut.Une grande consommation d’envie
Ce n’est qu’un petit trou dans ma poitrine,Mais il y souffle un vent terrible.Dans le trou il y a la haine (toujours), effroi aussi et impuissance,Il y a impuissance et le vent est dense,Fort comme sont les tourbillons,Casserait une aiguille d’acier,Et ce n’est qu’un vent, un vide.Malédiction sur toute la terre, sur toute la civilisation, sur tous les êtres à la surface de toutes les planètes, à cause de ce vide !
(…)
Il passe d’un corps désagréablement pesant au vide. Le corps peu à peu se détache : « rends-toi, mon cœur. / Nous avons assez lutté (…) Ne me hâte pas ainsi les organes (…) ». Dès lors, l’Equateur devient une abstraction ou une hallucination. L’opium qu’il consomme y aide probablement aussi – sans que pourtant il y prenne beaucoup de plaisir. L’écrivain Laurent Margantin écrit dans un court texte sur cette idée :
Il perd tous ses repères entre l’intérieur et l’extérieur, entre le moi à défendre des agressions du monde et les paysages, les bruits, les lueurs, tout ce qui surgit autour de Michaux comme des hallucinations, au point que parfois il devient difficile de distinguer les deux univers, celui de la pensée et de la perception, du monde qui se découvre à l’entour.
Il disparaît en lui-même, ne veut plus rien voir de ce voyage. C’est aussi les futures écrits de Michaux qui apparaissent en filigrane; Michaux c’est l’explorateur du vide. Maintenant le besoin de partir se fait de plus en plus pressant, il lui faut fuir Quito, retourner à Paris coûte que coûte mais pas n’importe comment. Michaux qui s’en voulait de ne pas avoir participé à la Grande Guerre décide d’affronter « pour justifier son existence » d’autres dangers. Ainsi se décide-t-il à partir par l’orient et plus précisément par l’Amazonie avec André de Monlezun, un avocat et Gustavo Mortensen, tous deux amis de la famille Gangotena. Le départ est retardé, « le mal, c’est le rythme des autres » puis effectif le 1er octobre 1928. « Rien n’apparaît… Mais où est donc l’Amazone ? se demande-t-on, et jamais on n’en voit davantage… Je n’ai donc pas vu l’Amazone, je n’en parlerai donc. ». Pourtant c’est bien Michaux qui descend le Napo en pirogue, arrive à Iquitos au Pérou et poursuit « sa route » jusqu’à Manaus - sans qu’il se fasse réduire la tête par les Jivaros, sa peur. Trois mois de fleuves invisibles et impassibles pour lui.
Au Brésil, il embarque sur un bateau avec le désir impérieux de revoir la France. Il arrive le 15 janvier 1929 au Havre après une traversée de trois mois. Ainsi se clôt Ecuador.
Ce journal de voyage, sa « gaffe » comme il l’écrit, fut publié à la NRF en juillet 1929. Il reçoit un accueil très favorable en France d’André Gide et en Argentine de Victoria Ocampo qui en publie une critique favorable. En revanche en Equateur, ce récit est très mal reçu et particulièrement par ceux qui l’ont accueilli sur place. Alfredo Gangotena, lui, restera en bon terme avec Michaux mais ils n’auront plus l’occasion de se revoir avant la mort prématurée du jeune poète équatorien en 1944. Ecuador ne sera jamais traduit en Equateur.
Certes, il serait dommage de n’y voir qu’une diatribe contre ce pays – qui est l’image qu’en ont beaucoup d’équatoriens. Les années se succédant, Michaux révisera sa vision et gardera une immense tendresse pour ce pays.
On peut voir aussi dans Ecuador le premier des récits de voyages « physiques » que fera Henri Michaux, il annonce son faux jumeaux Un Barbare en Asie, fruit d’un périple, trois ans plus tard, en Inde, en Chine et au Japon où le poète fera cette fois-ci l’expérience du plein dans les rues de Calcutta – la « ville la plus pleine de l’univers ». Tout se retrouve inversé, là où il devait trouver du plein avec ce qui l’entourait physiquement en Equateur, il y trouva du vide et dans les pays du vide par essence, il fera l’expérience du plein. C’est que Michaux ne se laisse pas prendre par ce qui l’attend ou ce qu’il attend.
***
César Ramiro Vasconez est né en 1980 à Quito. Auteur du recueil de poésie Aldaba (2010), il est aussi le rédacteur en chef de la revue électronique Alkmene. Ayant mis, voici quelques mois, la touche finale à son Tierra tres veces maldita – un roman composé d’un journal et de lettres imaginaires du poète équatorien Alfredo Gangotena ; nous l’avons interrogé afin qu’il nous éclaire sur sa vision à propos de Gangotena, Michaux et le rapport que peut avoir leurs œuvres en Equateur même. Ce roman est actuellement en cours de traduction; il sortira début 2015 sous le titre Terre trois fois maudite. (Propos recueillis par Guillaume Dollmann)
Qu’est-ce qui vous a intéressé dans la figure d’Alfredo Gangotena ?
Alfredo Gangotena m’attire par sa manière de se mettre à l’écart. Les études sur son œuvre se multiplient mais il reste encore confidentiel. Ensuite nous sommes confrontés aux énigmes au-delà du bilinguisme. D’une part, il a eu des contemporains notables, comme Jorge Carrera Andrade et Gonzalo Escudero (son traducteur), mais il a été plus proche d’un existentialisme heideggérien et plus intéressé par les découvertes scientifiques de son temps que par les inquiétudes politiques de sa génération. Esthétiquement il a été proche d’un Olivier Messiaen ou d’un T.S Eliot. Ceci dit, il n’a jamais été un avant-gardiste à proprement dit mais il a volé les outils nécessaires pour ses incursions dans le modernisme du début du siècle dernier. À mon avis, il est l’auteur bilingue le plus important d’Amérique Latine et son œuvre est supérieure à celles du chilien Vicente Huidobro ou du péruvien César Moro.
Pourquoi avoir choisi la forme épistolière et celle du journal pour construire votre roman ? Qu’est-ce que cela apportait de plus par rapport à une forme plus traditionnelle comme le récit par exemple ?
Au début, j’avais essayé d’écrire un récit où Michaux raconte son départ de Quito mais cette voix s’est évanouie pour donner la place au journal de son ami, tourmenté par les souvenirs où se mélangent la rancune, l’amour et la nostalgie. Par ailleurs, les journaux et les recueils de lettres d’auteurs comme Kafka ou Gombrowicz ne sont pas des écrits que l’on pourrait qualifier de marginaux ; il s’agit de boussoles pour parcourir leurs fictions. Aussi, il y a quelques années, en relisant les journaux de Pavese, j’ai commencé à imaginer les journaux et les lettres de Gangotena. Le roman s’octroie aussi la capacité à intégrer des formes hybrides qui permettent de jongler entre la science et la philosophie.
Pourriez-vous nous décrire comment avez-vous imaginé la relation entre Michaux et Alfredo Gangotena ?
Certes, j’ai imaginé une amitié silencieuse, marquée par une forte complicité avec de grands éclats de gaité. Il ne faut pas oublier que Jules Supervielle a « préparé » la rencontre qui déclencha leur amitié. Supervielle a su détecté les liens qui pouvaient les unir : la maladie, son inadaptation dans leurs milieux sociaux respectifs, leurs projets littéraires. Mais dans chaque amitié, il y a des malentendus. Dès le début du voyage, ce retour de Gangotena en Equateur– après sept années d’absence – et le malaise de Michaux les a, petit à petit, séparés. Et certains moments de conflits ont été gommés par Michaux qui préféra ne pas les mentionner dans son journal.
Michaux, que ce soit à travers l’œuvre de Gangotena ou par le biais du récit Ecuador ressurgit d’une façon assez récurrente dans le paysage littéraire ou artistique équatorien (je pense par exemple aux travaux d’Estefania Penafiel). Comment expliquez-vous ces résurgences ?
Evidemment, certains artistes reviennent vers les œuvres des voyageurs et des scientifiques qui sont passés à l’Equateur comme Humboldt ou Church. Ces voyageurs ont laissé des témoignages qui font encore réagir parce que leurs regards envers l’Equateur ont été faits sans concession. Ainsi dans la même veine et plus proche de nous, William Burroughs, qui a traversé l’Equateur, dans une lettre à Ginsberg, exige au Pérou de civiliser l’Equateur…
En tant que lecteur, quel regard portez-vous sur Ecuador ?
Ecuador est pour moi la clef d’entrée à l’œuvre de Michaux, on trouve dans ces pages les germes des livres à venir. J’admire ses imprécisions, son impatience, son dépaysement. Au fur et à mesure, le bouleversement face au paysage décroit à cause de l’incommodité que provoque une réalité qu’il ne comprend pas. Un espace qui l’avait accueilli chaleureusement, mais qui s’est converti en un carrefour épineux. Même s’il n’est jamais mentionné (sauf dans la préface), c’est grâce à ce journal que Gangotena est devenu un personnage romanesque, il traverse quand même ces pages comme un fantôme. Cependant, en Equateur, la disgrâce sur Gangotena et Michaux se poursuit, dit autrement, il n’existe pas une édition des œuvres complètes de l’auteur de Cruautés et Ecuador n’a jamais été traduit dans notre pays.
LA CORDILLERA DE LOS ANDES
La première impression est terrible et proche du désespoir. L’Horizon d’abord disparaît. Les nuages ne sont pas tous plus hauts que nous. Infiniment et sans accidents, ce sont, où nous sommes, les hauts plateaux des Andes qui s’étendent, s’étendent…
Le titre de cet article est aussi celui du projet de film documentaire de Lionel Retornaz qui a terminé cet été les repérages pour son documentaire Ecuador, lointain intérieur. D’Amsterdam à l’embouchure de l’Amazone, il retourne sur les traces d’Henri Michaux pour nous faire revivre cette aventure « réelle, imaginaire, intime » en la sublimant de ses propres sentiments. Des images du film seront bientôt disponibles sur son site Kino Mad.
Commentaires