Youth_Pompei_Sappho

“For many years, I felt that my youth had been wasted. I spent my adolescence drinking, taking dope, robbing, and fucking around, when I could have been learning to fluently read Sappho and Thomas Mann in the original. But, while I still feel that it would be wonderful to fluently read Sappho and Thomas Mann in the original, I no longer feel that my youth was wasted. For with age comes the wisdom that it all comes down to ashes in the end. Mary Barnard’s rendering of Sappho, along with what little Greek I possess; William Trask’s rendering of Mann’s Die Betrogene: these are enough for me one, such as myself, who was long ago written off  for dead. My youth, as I see it now, was spent as it should have been spent. I am alive, and as I write this, the pleasant morning of the vast blessing of another day, another breath, flows through me. I want now to learn to do the tango, so that I can dance in style on the graves  of those of my peers, dropping dead around me like flies, who lived their youths, and their lives, properly and salubriously. Mens sana in corpore sano, they say. But a sound mind in a sound body is but a plain and pretty flower in a plain and vase. The world is full of such parlour pieces. Fuck them, and prepare thy dancing shoes, for, having survived my youth, and all that followed, I now enjoy the gentler madness to whose shore I have been delivered, and I look forward to tangoing in the graveyard, with you, my darling, or over you.”

“Pendant de nombreuses années, j’ai eu le sentiment que ma jeunesse avait été gâchée. J’ai passé mon adolescence à boire, prendre de la dope, voler et baiser à droite à gauche, alors que j’aurais pu apprendre à lire Sappho et Thomas Mann dans le texte. Or, bien que j’aie toujours le sentiment qu’il serait merveilleux de lire couramment Sappho et Thomas Mann dans le texte, je n’ai plus l’impression d’avoir gâché ma jeunesse. Parce qu’avec l’âge vient la sagesse : au bout du compte, tout retourne à la poussière. La traduction de Sappho par Mary Barnard, avec les quelques notions de grec que je possède, Le mirage de Mann traduit par William Trask : cela suffit à quelqu’un, comme moi, qu’on donnait pour mort il y a longtemps déjà. Ma jeunesse, tel que je vois à présent les choses, a été ce qu’elle devait être. Je suis vivant, et alors que j’écris ces lignes, l’aube radieuse de cette infinie bénédiction qu’est un nouveau jour, un nouveau souffle, m’envahit. A présent, je veux apprendre le tango, pour pouvoir danser avec grâce sur les tombes de mes pairs, qui tombent comme des mouches autour de moi, après des jeunesses, et des vies, tout ce qu’il y a de plus convenables et saines. Mens sana in corpore sano, qu’ils disent. Mais un esprit sain dans un corps sain n’est rien d’autre qu’une simple et jolie fleur dans un simple et joli vase. Le monde est plein de ces phrases toute faites. Mon cul, et prépare tes chaussures pour danser, car, ayant survécu à ma jeunesse, et à tout ce qui a suivi, j’apprécie à présent la folie plus douce des rives sur lesquelles j’ai été déposé, et j’attends avec impatience ce tango dans le cimetière, avec toi, ma douce, ou sur toi.”

Chasseur de serpents et d’opium, ami de Patti Smith et d’Iggy Pop, Nick Tosches (1949) est leur versant littéraire. Véritable touche-à-tout quant aux genres – avec néanmoins une dominante pour une re-visitation de la déesse rock’n’roll (comprendre : la plus belle arnaque marketing du XXe siècle) dont plusieurs ouvrages font référence : sa biographie de Jerry Lee Lewis Hell Fire ou celle des Héros oubliés du Rock’n’Roll : Les années sauvages du rock avant Elvis. À noter aussi un polar excellemment mené dans le New-York détraqué de la 42ème rue: La religion des ratés et un reportage en la quête d’une fumerie d’opium dans le Sud-Est asiatique (traduit chez Allia, Confessions d’un chasseur d’opium) que l’on peut retrouver dans son intégralité sur le site du Vanity fair.