25 février 2016
Un trajet éprouvant
GOETHE : Par où diable m’as-tu donc suivi ?LENZ : J’ignore par où tu es passé, mais j’ai fait un trajet éprouvant.
Jakob M. R. Lenz, Pandaemonium Germanicum
©Claudio Hils, Hölderlin : eine Winterreise, Tübingen, Klöpfer und Meyer, 2012
Le propos est toujours le même : Hölderlin à Böhlendorf : « Allemand, je dois le rester, dussent les besoins de mon cœur et le besoin de manger me poussser jusqu’à Tahiti » ; Kleist à Frédéric-Guillaume III : « plusieurs fois déjà », dit-il « il en est venu à la triste pensée » qu’il devrait rechercher sa subsistance à l’étranger ; Ludwig Wolfram à Varnhagen von Ense : « vous n’allez pas laisser un écrivain allemand de réputation irréprochable être la proie de la misère ». Gregorovius à Heyse : « ces Allemands vous laisseraient tout bonnement mourir de faim ». Et voici maintenant Büchner s’adressant à Gutzkov : « vous aurez l’occasion de voir tout ce dont un allemand est capable quand il a faim ». De telles lettres font tomber une lumière crue sur la longue procession de poètes et de penseurs allemands qui, rivés à la chaîne d’une commune misère, se traîne au pied du Parnasse de Weimar où les Professeurs s’en vont justement herboriser.
Walter Benjamin, Allemands : une série de lettres, Paris, Hachette littérature, 1979
Classé dans: 7.10 Littérature allemande
10 février 2016
La bouche collective
Kurt Schwitters, Difficult
Face à l’encerclement de Madrid par les forces nationalistes, le gouvernement républicain fait appel en automne trente-six aux troupes anarchistes basées sur le front de Saragosse. Le 20 novembre 1936, aux abords de la cité universitaire de Madrid, d’une balle dans le dos, leur leader Buenaventura Durruti s’écroule mortellement. Tirée par qui ? Les fascistes ? Les communistes ? Son garde du corps ? Un accident ? Hans Magnus Enzensberger, dans Le bel été de l’anarchisme répond et ne répond pas. Ou bien si, et de la meilleure manière possible : en répondant que rien ne va de soi. (suite…)
Classé dans: 7.10 Littérature allemande