par Emmanuel Adely

S’il y avait un seul livre à lire sur l’holocauste, ce serait celui-là ; s’il y en avait deux, il faudrait lui ajouter L’espèce humaine de Robert Antelme ; s’il y en avait trois, Eichmann à Jérusalem d’Hannah Arendt serait ce troisième. Mais admettons qu’il n’y en ait qu’un : ce serait celui-là.
Il y a quelque chose d’évidemment et d’immédiatement obscène à dire qu’il s’agit là d’un livre magnifique, et pourtant il s’agit là d’un livre magnifique, ou grandiose, ou majeur, ou essentiel, ou le tout : d’une écriture qui ne serait que l’ossature de l’écriture, sans aucun ajout sentimentaliste ; dans une langue « pauvre » c’est-à-dire retenue et apparemment purement factuelle ; avec un souffle qui serait celui de la respiration hachée, à bout, de ceux qui ont subi. Se limitant à la seule recension de faits issus de procès-verbaux, écrivant au plus près du geste, simplement des gestes des victimes et des bourreaux, les coups, les chutes, Reznikoff déversifie la geste de ce qui n’a pas d’autre nom que l’enfer. Un monument.