Quito

Paula Parrini, Barrio

Quelques mois après la publication de Terre trois fois maudite de César Ramiro Vasconez narrant les tourments du poète Alfredo Gangotena sous la forme d’un journal apocryphe, les éditions MEET remettent la littérature équatorienne en avant avec Au sud de l’équateur d’Edwin Madrid ; une littérature peu connue ou reconnue faute peut-être de n’avoir eu un véritable écrivain-éclaireur qui se serait inscrit dans le boom latino-américain des années soixante-dix comme ses voisins péruviens et colombiens. Il en est resté une littérature que l’on taxe un peu rapidement d’indigénisme. Son auteur le plus représentatif internationalement fut Jorge Icaza (1906-1978) et son célèbre Huasipungo (1934).

Notons tout de même dans les années trente l’apparition d’un groupe dit de Guayaquil mené par l’écrivain José de la Cuadra dont certains textes remarquables ont été traduits en français : La Tigra et Noir Equateur un recueil de nouvelles. Ce groupe se composait d’Enrique Gil Gilbert, Demetrio Aguilera Malta, Joaquin Gallegos Lara et Alfredo Pareja. Il existe aussi une anthologie éditée par Patiño. Ces éditions de Genève ont publié au cours de ces vingt dernières années une série d’anthologies de poésies de tous les pays d’Amérique latine et des caraïbes hispanophones et permettent ainsi aux profanes d’avoir une intéressante première approche sur la littérature d’un pays. Dans le cas de l’Equateur, la sélection a été faite par Jorge Enrique Adoum (1926-2009), figure de proue de la poésie et de la prose équatorienne contemporaine. Celui-ci avait été, dans sa jeunesse, secrétaire personnel du poète chilien Pablo Neruda, son Entre Marx et une femme nue reste son ouvrage le plus connu et a été adapté au cinéma par Camilo Luzuriaga en 1996.

Au sud de l’équateur d’Edwin Madrid (1961) est un recueil protéiforme, alternant la versification, la prose, les dialogues, « une poésie de route » qui croque les instants fugaces de voyages, de vie quotidienne.

Quito, avant la pluie

Dans le jardin on entend les grenouilles.D’une certaine façon, elles créent uneharmonique simple avec différentssons. Le vent va et vient glacé.
La pluie mouille tout et ce croassement
Est un récital ininterrompu.
Musique dans le jardin.

Le bar et les garces

J’ai vu mon ex-fiancée entrer avec un mec. J’ai un verre de gin et deux garces à mes côtés, voilà ce qu’a dû penser mon ex. Le mec commande une bière et mon ex un soda avec des glaçons. Celle à ma gauche va aux toilettes tandis que l’autre trinque avec moi. Mon ex pose les yeux sur moi, je lève mon verre en guise de salut. Le mec, d’un air distrait, boit sa bière. Celle qui s’est levée revient. Je pose quelques dollars sur la table et nous sortons. Quand nous sommes entrés, j’ai vu mon ex assis avec deux filles. Avec moi, un jeune mec infatigable au lit, voilà ce qu’il a dû dire. Nous avons commandé un soda avec des glaçons et une bière. Dès qu’une des filles est allée aux toilettes, j’ai regardé mon ex qui a levé son verre. Son amie revient des toilettes. Mon fiancé boit sa bière et mon ex sort avec les deux garces : il va croire que je suis une garce – elle va s’imaginer que j’embarque deux garces.

Mexico

De là-haut, un océan de lueurs palpitantesjusqu’à ce que l’avion plonge dans ses eaux et c’estla mer qui déferle dans le métro, traversant des places,suivant les avenues ou s’engouffrant dans les bars. C’est là qu’ensemble, ils vivent les uns les autres.La grande ville crache ou avale les gens.

Edwin Madrid, Au sud de l’équateur, Saint-Nazaire, MEET, 2016 (Les bilingues)