25 février 2016
Un trajet éprouvant
GOETHE : Par où diable m’as-tu donc suivi ?LENZ : J’ignore par où tu es passé, mais j’ai fait un trajet éprouvant.
Jakob M. R. Lenz, Pandaemonium Germanicum
©Claudio Hils, Hölderlin : eine Winterreise, Tübingen, Klöpfer und Meyer, 2012
Le propos est toujours le même : Hölderlin à Böhlendorf : « Allemand, je dois le rester, dussent les besoins de mon cœur et le besoin de manger me poussser jusqu’à Tahiti » ; Kleist à Frédéric-Guillaume III : « plusieurs fois déjà », dit-il « il en est venu à la triste pensée » qu’il devrait rechercher sa subsistance à l’étranger ; Ludwig Wolfram à Varnhagen von Ense : « vous n’allez pas laisser un écrivain allemand de réputation irréprochable être la proie de la misère ». Gregorovius à Heyse : « ces Allemands vous laisseraient tout bonnement mourir de faim ». Et voici maintenant Büchner s’adressant à Gutzkov : « vous aurez l’occasion de voir tout ce dont un allemand est capable quand il a faim ». De telles lettres font tomber une lumière crue sur la longue procession de poètes et de penseurs allemands qui, rivés à la chaîne d’une commune misère, se traîne au pied du Parnasse de Weimar où les Professeurs s’en vont justement herboriser.
Walter Benjamin, Allemands : une série de lettres, Paris, Hachette littérature, 1979
Classé dans: 7.10 Littérature allemande
13 janvier 2016
Ainsi alla sa vie
Gerhard Richter, Paysage près de Coblence (1987), Huile sur toile, 140 x 200 cm
Peut-être peut-on dire que tout poème garde inscrit en lui son « 20 janvier » ? Peut-être ce qui est nouveau dans les poèmes qu’on écrit aujourd’hui est-ce justement ceci : la tentative qui est ici la plus marquante de garder la mémoire de telles dates ? Mais ne nous écrivons-nous pas tous depuis de telles dates ? Et pour quelles dates nous inscrivons-nous ?
Paul Celan, Le méridien & autres proses, Paris, Éd. du Seuil, 2002
21 octobre 2015
Lenz aux éditions Grèges
Une série d’articles autour de Lenz à l’occasion de l’exposition Waldersbach de Sylvain Maestraggi à partir du 20 janvier 2016 à la bibliothèque.
©Alex Webb, Lorraine
Avant qu’il ne devienne le personnage principal de la nouvelle Lenz que Georg Büchner écrivit dans les dernières années de sa vie, le dramaturge et poète de langue allemande Jakob Michael Reinhold Lenz était plongé dans un relatif oubli après sa mort à Moscou en 1792.
En 1778, Jakob Lenz est chassé de Weimar par Goethe en raison de son comportement déplacé à la Cour. Il se réfugie alors chez le célèbre physionomiste Gaspard Lavater en Suisse. C’est ce dernier qui lui suggère d’aller se faire soigner de ses troubles psychiques auprès du pasteur Oberlin, esprit éclairé vivant à Waldersbach. Lenz se rend à pied chez le pasteur et séjournera près de trois semaines dans ce petit village au cœur des Vosges alsaciennes. Quelques décennies plus tard en 1835, Büchner s’inspirera du journal laissé par le religieux alsacien sur ce séjour pour composer sa nouvelle. Lenz marque une rupture dans l’histoire de la littérature, par sa fulgurance de style et ses thématiques qui ne cesseront d’être reprises durant les siècles suivants. (suite…)
Classé dans: 7.10 Littérature allemande