24 décembre 2014
La porte étroite
Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser.
(Si 3,18)
© Gilles Delmas, Jérusalem & l’air, Paris : Geuthner, 2004
Il y avait à l’époque romaine, lit-on, une porte de la ville de Jérusalem si étroite que les chameaux devaient être délestés de tout leur paquetage et si basse qu’ils ne pouvaient la franchir sans mettre genou à terre. Elle se serait nommée la Porte de l’aiguille et aurait inspiré au Christ la parole : « Il est plus facile à un chameau de passer par le chas d’une aiguille… » (Mc 10,25). C’est pourquoi comme le roi David en son temps, c’est pauvre et monté sur un âne que lui-même y entrera.
Classé dans: 2.10 Littérature française
3 décembre 2014
Fantaisie militaire
«Né en 1896 à Vienne de mère autrichienne et de père suisse. Grand-père paternel chercheur d’or en Californie (plaisanterie mise à part), grand-père maternel conseiller aulique (beau mélange, non ?). Ecole élémentaire, trois ans au Gymnasium de Vienne. Puis trois ans à Glarisegg. Enfin trois autres au collège de Genève. Mis dehors peu avant le baccalauréat parce qu’il avait écrit un article littéraire sur un volume de poésies d’un professeur. Passe l’examen à Zurich. Un semestre de chimie. Puis le dadaïsme. Mon père voulait me faire interner et placer sous tutelle. Fugue à Genève… Interné un an à Münsingen (1919). Fugue, un an à Ascona. Arrêté à cause de la morphine. Renvoyé de l’autre côté. Trois mois à Burghölzi (contre-expertise parce qu’on avait dit à Genève que j’étais schizophrène). Entre 1921 et 1923, Légion étrangère.» (suite…)
19 novembre 2014
Ex oriente lux : un barbare en Asie
À l’occasion de l’exposition des œuvres picturales d’Henri Michaux en février 2015 au sein de la Fondation Jan Michalski, la bibliothèque vous propose ces mois-ci une série d’articles sur le poète belge.
© Harry Gruyaert, Calcutta, 2001/Magnum Photos
Au revers qui paraît l’endroit, au cœur d’une prise sans emprise, au long des heures, à l’orée de l’infiniment prolongé de l’espace et du temps, attrape-dehors, attrape-dedans, attrape-nigaud, dis, qu’est-ce que tu fais? Qu’est-ce que tu es, nuit sombre au-dedans d’une pierre?
Les hommes, tu ne les as jamais pénétrés. Tu ne les as pas non plus véritablement observés, ni non plus aimés ou détestés à fond. Tu les as feuilletés. Accepte donc que par eux semblablement feuilleté, toi aussi tu ne sois que feuillets, quelques feuillets.
Il faut un obstacle nouveau pour un savoir nouveau. Veille périodiquement à te susciter des obstacles, obstacles pour lesquels tu vas devoir trouver une parade… et une nouvelle intelligence.
Ce pourrait être les mots d’un poète taoïste mais ce sont ceux d’Henri Michaux à l’heure des bilans dans le recueil quasi-mystique d’apophtegmes Poteaux d’angle. Que ce soit à travers ses dessins ou sa prose et ceci tout au long de sa vie, l’Asie aura été l’espace géographique qui aura le plus profondément marqué et influencé l’œuvre d’Henri Michaux. (suite…)
29 octobre 2014
On n’est pas des indiens c’est dommage
© Guy le Querrec, Sur la piste de Big Foot
Avec son visage émacié et sa fine barbe, on pourrait le prendre facilement pour le frère jumeau d’Ezra Pound – lequel qualifiait Jaime de Angulo d’ « Ovide américain ». Jaime de Angulo est un drôle de personnage comme seuls les Etats-Unis savent en accoucher. Né en 1887 à Paris dans une famille d’aristocrates espagnols, il part vers les Etats-Unis au début du XXème siècle et c’est là-bas que Jaime de Angulo devient cow-boy et s’éprend des cultures indiennes en train de péricliter dans le Nord de la Californie. (suite…)
Classé dans: 8.20 Littérature américaine
27 octobre 2014
Voces / Voix
© Ángel Ros, La dernière maison d’Antonio Porchia dans le quartier de Los Olivos, Calle Malaver 1647
Nous allions lui rendre visite dans des maisons chaque fois plus petites, après qu’il dut vendre celle qu’il avait héritée de son frère et en acheter une plus modeste et plus éloignée du centre, pour survivre un temps avec la différence. Mais on y voyait toujours les tableaux que lui avaient donnés leurs auteurs, parmi lesquels certains des plus côtés de la peinture argentine de ce siècle (Potorutti, Victorica, Quinquela Martín, Castagnino, Soldi, Butler, Forner etc.). (suite…)
Classé dans: 4.80 Littérature argentine
20 octobre 2014
Quand le lieu guérira
Ici, Adam se souvient de sa glaise.
Mahmoud Darwich
Viens me voir là-bas, mets de gros souliers, parce que je
t’emmènerai dans des terrains pleins de cailloux et d’argile.
Jabra Ibrahim Jabra
©Sophie Ristelhueber, WB # 6 (2005)
Sans doute la Cisjordanie n’avait-elle jamais été photographiée comme elle le fut par Sophie Ristelhueber durant les deux séjours qu’elle y effectua, en novembre 2003 et février 2004. L’artiste, qui s’attache depuis trente ans « aux désordres de lieux traversés par des événements majeurs » (la guerre civile à Beyrouth, la première guerre du Golfe, les conflits balkaniques, l’Irak), revenait dans une interview sur la genèse de son œuvre réalisée en Cisjordanie : (suite…)
Classé dans: 3.27 Littérature arabe, VARIA
16 octobre 2014
Comme le vôtre, répondit-elle.
© Gueorgui Pinkhassov, Baku, 2009
Celui qui voulut être marin toute sa vie, Alexandre Grine (1880-1932), a toujours été un écrivain naviguant au large de la littérature russe des années vingt. Pour tracer des accointances littéraires, on pourrait rapprocher L’attrapeur de rats aux nouvelles de l’uruguayen Horacio Quiroga pour leur caractère enfiévré et cette lente macération des êtres dans les jungles. Le chef-d’œuvre de Grine se déroule dans une autre jungle – urbaine et administrative – celle du bâtiment désaffecté de la Banque Centrale de Petrograd. (suite…)
Classé dans: 1.10 Littérature russe
8 octobre 2014
Eloge de l’ombre
Anonym, Werbebild für Blow-Up, 1966, Silbergelatine-Abzug, 20.7 x 25.4 cm
Courtesy Philippe Garner © Neue Visionen Filmverleih GmbH/Turner Entertainment Co.- A Warner Bros. Entertainment Company. All rights reserved.
Paris devient Londres, l’Île de la Cité Maryon Park, la belle femme blonde surprise par le photographe reste une belle femme blonde et le narrateur ne sait toujours pas s’il doit raconter son histoire à « la première ou à la deuxième personne du singulier, ou à la troisième du pluriel, ou en inventant au fur et à mesure des formes nouvelles ». (suite…)
Classé dans: 4.80 Littérature argentine
3 octobre 2014
Lointain intérieur
À l’occasion de l’exposition des œuvres picturales d’Henri Michaux en février 2015 au sein de la Fondation Jan Michalski ; la bibliothèque vous proposera au cours des prochains mois une série d’articles sur le poète belge. Dans la mesure du possible, nous essaierons de relier ses œuvres écrites, picturales à des œuvres contemporaines. Ceci dans l’idée de mettre en avant des artistes, écrivains qui prennent appui de l’œuvre d’Henri Michaux pour s’en inspirer ou pour créer.
© Oswaldo Guayasamin, Quito Verde
C’est bien dans le port des partances, Marseille, dans l’attente du navire qui embarque les inquiets vers les lointains, que commence véritablement l’histoire d’Ecuador : Journal de voyage. (suite…)