1 avril 2021
Jeudi en résidence, avec Sacha Filipenko
Capture d’écran du Procès d’Orson Welles (1962)
Dans La traque (Éditions des Syrtes, 2020), Sacha Filipenko offre le récit d’une chasse à l’homme en forme de persécution psychologique dans les méandres de la corruption russe. En enquêtant sur un homme politique aussi douteux que puissant, aussi perfide que cynique, le journaliste Anton Piaty devient la cible des hommes de main de l’oligarque. Ils ne reculeront devant rien dans leur minutieuse opération de déstabilisation comme lors de cet interrogatoire, dont la lecture sera faite en russe par l’auteur, puis dans sa traduction en français par Guillaume Dollmann. Un roman noir virtuose qui résonne comme une violente satire politique.
Classé dans: 1.10 Littérature russe
11 juillet 2018
Svetlana Alexievitch
par Emmanuel Adely
Additions de voix d’hommes et de femmes et de femmes surtout, les livres de Svetlana Alexievitch sont des recueils de paroles simples c’est-à-dire de paroles de gens simples qu’elle nous fait entendre au plus près de leur bouche, de leur présence physique, très exactement là, en face. Et ça, déjà ça cela est énorme, être dans ce face-à-face immédiat et écouter l’autre, écouter le témoin des choses, l’entendre en le lisant. Peut-être c’est cela d’ailleurs qui aussitôt stupéfie, cette écriture qui fait entendre la peau de l’autre. Son souffle. L’homme et la femme au milieu de. Lisant Alexievitch, j’entends l’autre, je vis l’autre, je le suis. L’écriture d’Alexievitch est charnelle, absolument incarnée, en elle-même elle est un corps et elle est tous les corps.
Qui traversent la Seconde Guerre mondiale côté soviétique (La guerre n’a pas un visage de femme), ou l’après Tchernobyl (La Supplication), ou la chute du communisme en ex-URSS (La Fin de l’homme rouge), et nous entraînent après eux et avec eux. Dans ce tragique au quotidien, dans la simplicité de l’événement vécu.
Alexievitch fait simplement parler l’humain et ainsi nous place à la place. De. L’autre que je pourrais être aujourd’hui après un accident nucléaire, hier pendant la guerre, moi dispersé en une infinité de voix possibles. Qui parlent, déversent ce flot de mots jamais dits, ou jamais dits ainsi. Dans la confiance de l’écoute la parole surgit, renversante. Tout ce matériau-là, magistralement agencé, est donné ainsi, sans recul apparent, jusqu’à créer une polyphonie proche, à l’évidence, du chœur antique et classique, mais un choeur contemporain, pris dans la tragédie de l’histoire. De l’oralité de cette foule vivante, Alexievitch fait œuvre gigantesque, un instantané de notre présence au monde, et atteint ainsi à notre universel, celui de la condition humaine. C’est incontournable.
Classé dans: 1.10 Littérature russe
26 août 2016
Deux fois deux
Ça va mal. Il s’est formé une âme en vous.
Evguéni Zamiatine
Antonio Saura, illustration pour 1984 de G. Orwell, Barcelona, Galaxia Gutenberg, Círculo de Lectores, 1998
Sont exposées jusqu’au 25 septembre à la Fondation Jan Michalski une centaine d’œuvres du peintre espagnol Antonio Saura qui entretint toute sa vie des rapports étroits avec la littérature, écrivant lui-même au sujet de sa peinture et illustrant plusieurs monuments littéraires dont le Don Quichotte de Cervantes, le Journal de Kafka et 1984 de George Orwell. En évoquant les illustrations qu’il réalisa pour ce dernier roman, Antonio Saura écrira :
10 décembre 2015
Les murs noircissent
© Corentin Parent, inspiré de l’œuvre poétique Slogans !
Etrange rencontre à Macau dans les années quatre-vingt dix entre l’écrivain français Antoine Volodine et une poétesse russe anarchiste. Rencontre qui plus tard constituera la trame cachée du roman Le port intérieur d’Antoine Volodine et sauvera de l’oubli Slogans, l’œuvre poétique de Maria Soudaïeva…
29 mai 2015
Droit dans le ciel
20 mai 2015
Hyperboréales
Et maintenant, même si je suis loin de vous, je suis avec vous, toujours.
Pavel Florenski
P. Florenski, Ciel de Solovki, Lettre n°63 du 31.V.1936 (suite…)
Classé dans: 1.10 Littérature russe
16 mars 2015
Entretien avec Jean-Luc Bertini
Jean-Luc Bertini est né en 1969 en région parisienne. Après un parcours scolaire accidenté et original, il s’est lancé dans la photographie professionnelle voici une quinzaine d’années. Collaborant avec les principaux titres de la presse nationale française et pour diverses revues littéraires, il travaille aussi en parallèle sur plusieurs projets de longue haleine. Nous pourrions citer ses portraits d’écrivains américains ou encore cette très belle virée photographique placée sous le signe de Nicolas Bouvier dans l’Est de l’Europe avec Kilomètres Est. Des projets que les lecteurs peuvent retrouver plus en détail sur son site personnel. (suite…)
Classé dans: 1.10 Littérature russe, VARIA
16 octobre 2014
Comme le vôtre, répondit-elle.
© Gueorgui Pinkhassov, Baku, 2009
Celui qui voulut être marin toute sa vie, Alexandre Grine (1880-1932), a toujours été un écrivain naviguant au large de la littérature russe des années vingt. Pour tracer des accointances littéraires, on pourrait rapprocher L’attrapeur de rats aux nouvelles de l’uruguayen Horacio Quiroga pour leur caractère enfiévré et cette lente macération des êtres dans les jungles. Le chef-d’œuvre de Grine se déroule dans une autre jungle – urbaine et administrative – celle du bâtiment désaffecté de la Banque Centrale de Petrograd. (suite…)
Classé dans: 1.10 Littérature russe
13 juillet 2014
Les images de vie
« Ton film aura la beauté ou la tristesse ou etc., que l’on trouve à une ville, à une campagne, à une maison, et non la beauté ou la tristesse etc., que l’on trouve à la photographie d’une ville, d’une campagne, d’une maison. »
(Robert Bresson, Notes sur le cinématographe, Paris, Gallimard, 1990)
©Andreï Tarkovski, Lumière instantanée, Paris, P. Rey, 2004
La vie touche d’une tout autre manière que le discours qu’on fait sur elle. Quelle que soit la puissance du discours, il en va pour nous comme pour cette femme dont parle Kierkegaard dans son journal : (suite…)
Classé dans: 1.10 Littérature russe, 7.80 Littérature danoise, VARIA